La pionnière britannique de l'Op'art, Bridget Louise Riley (née
le 24 avril 1931) est aujourd'hui mondialement connue pour son œuvre basée sur
de formes géométriques et des effets d’optique. Elle peint depuis 1961 des
toiles non figuratives et se tient dans une «niche» qu'elle n'a, apparemment,
jamais été tentée de quitter.
Le Musée d'art moderne de la ville de Paris lui consacra une rétrospective en 2008. Celle-ci présentait des reproductions de tableaux de Georges Seurat exécutées par Miss Riley peu après ses études au Royal College of Art (notamment la copie de 1959 d'après Le Pont de Courbevoie).
Ces copies donnent une idée du goût personnel de l'artiste, le point de départ de ses recherches plastiques, et montrent que Bridget Riley possédait dès 1959 un savoir-faire qu'elle a délibérément mis au service de ce qui était considéré au tournant des années cinquante comme une peinture «anti-académique».
« Les premiers tableaux de Bridget Riley (Movement in Squares, 1961, Black to White Discs, 1962, Static 4, 1966) sont, tout simplement, très sagement, assez modestement, en noir et blanc. En noir sur fond blanc et non l'inverse comme les lignes ou les signes clairs sur fond sombre de Ben, Roland Sabatier, Arbo ou Keith Haring. De la valeur pure qui deviendra, la reconnaissance aidant, de la pure valeur cotée en bourse, de la plus value.
Suivent des tableaux (Song of Orpheus 3, 1978) dans lesquels les formes ne distinguent plus vraiment du fond, ce qui va à l'encontre des lois de la «structuration perceptive» établies par Max Wertheimer et ses disciples. Bridget Riley n'exploite pas d'emblée les ressorts du «dynamisme optique»: les vibrations, les scintillements, le moirage, la fausse profondeur, l'indécis du dedans-dehors. Tout ce qu'elle découvrira ou explorera plus tard (Fall, 1963).
Bridget Riley obtient ses effets contrastés en expérimentant, en tâtonnant, et en faisant sans le savoir de la psycho-physiologie perceptive, de la Gestalttheorie. Les carrés, triangles et cercles, qui servaient de base aux exercices proposés par des professeurs tels que Johannes Itten aux élèves du Bauhaus, ont suivi leur propre développement, leur logique interne, leur lente maturation, avant que Bridget Riley se décide à passer à la couleur (Byzantium, 1969, Punjab, 1971).
En suivant sa voie propre, elle se rapproche bien sûr des artistes des sixties et de l'atmosphère du Londres pop des Beatles et du Floyd : light shows, psychédélisme, découverte du LSD, goût pour l'Inde et les mandalas, fascination pour l'Orient iconoclaste, redécouverte de Bali, engouement pour la musique répétitive…
La forme — pour ne pas dire la figure —, quand elle se détache du fond, est toujours élémentaire, comme si ne comptait pour Bridget Riley que la composition à base de répétitions, de variations, d'infimes nuances — ou la «rythmique».
Au-delà de l'hallucination passagère, anecdotique et inoffensive, des œuvres de la première moitié des années soixante influencées, sans doute, par Vasarely, on découvre une infinité de possibles. Cela va des damiers en noir et blanc du début aux losanges et aux autres rhombes colorés d'une série récente (Red with Red 1, 2007), en passant par les disques, les triangles, les points, les vaguelettes, les bandelettes aux teintes acidulées comme celles de certains bonbons anglais.
Contrairement aux artistes cinétiques (Gabo, Moholy-Nagy, Soto, etc.), Bridget Riley s'en tient humblement à la peinture/peinture en deux dimensions, à l'aplat de couleurs. Elle fait partie des pastellistes mystiques, romantiques, qui pensent qu'un tableau peut tout contenir et tout rendre, en particulier la sensation de «mouvement». Et pas simplement en le mimant, le représentant ou le stylisant à la façon des artistes inspirés par les serials cinématographiques et les séries chronophotographiques (les frères Bragaglia et leur «photodynamisme», Giacome Balla et son Dynamisme d'un chien en laisse, ou le Nu descendant l'escalier de Marcel Duchamp). » http://www.paris-art.com/marche-art
Citations
« J'ai
conçu Continuum en 1963 pour ma deuxième exposition personnelle à la
Gallery One. Il s'agissait de la plus grande peinture que j'avais jamais faite
et je voulais que le spectateur soit "dans" l'œuvre, qu'il en fasse
partie. Il y a deux sources à l'œuvre : d'une part, l'acquisition récente par
la National Gallery de Londres des Nénuphars de Claude Monet, l'une des
grandes toiles liées aux Nymphéas de l’Orangerie. Dans son œuvre achevée, Monet
cerne le spectateur de toutes parts. L'autre source de l'œuvre est Jackson
Pollock qui disait souvent être "dans" la peinture ; j'avais vu les
photographies de Hans Namuth qui montraient Pollock marchant à l'intérieur de
la toile étendue par terre. [Mais Continuum] était trop littérale,
puisque le spectateur se trouvait "dans" l'œuvre au sens propre alors
que je ne souhaitais qu'une absorption visuelle.»
Voici des photos d’une de ses œuvres que j'ai prises au MET de New York.
Voici des photos d’une de ses œuvres que j'ai prises au MET de New York.
Photographies: Charlotte Hiegel 2013