Aujourd’hui Roy Lichtenstein est
considéré comme l’une des « stars » du mouvement pop autant que comme un grand
maître de la peinture américaine. Or, après s’être posté pendant quelques
années à l’avant-garde du pop art, Lichtenstein va bien au-delà. Il fut très
vite perçu comme un artiste postmoderne dès lors qu’il citait dans ses œuvres
les artistes et les styles de l’histoire de l’art… Puis, au cours des dernières années de sa vie,
revenant aux genres du nu et du paysage, il devint presque un peintre de
tradition. Si bien que Roy Lichtenstein est aujourd’hui un « classique ». Mais
ce qui fait la force de son art, c’est aussi une distance amusée, critique sans
jamais devenir cynique, qu’il a exercée à la fois sur lui-même et sur l’art, de
ses débuts jusqu’à la fin de sa vie, et dont il faut reconnaître l’importance.
Dans l’un de ses derniers entretiens, Lichtenstein ne dément pas ce qui est la
première question de son interlocuteur « Êtes-vous sûr de n’avoir jamais créé
une œuvre absolument dépourvue de la moindre trace de malice, d’humour ou
d’ironie ? »
« Qu’est-ce que vous pouvez bien
peindre qui ne soit pas absolument ridicule », s’exclamait-il déjà en 1972,
avant d’éclater de rire, au milieu d’un entretien fort sérieux sur la série des
Still life paintings
qu’il était en train de réaliser : natures mortes inspirées de l’œuvre de
grands maîtres modernes. Matisse, Picasso, Léger, Le Corbusier… sont cités ou
évoqués derrière un titre qui mentionne – quand ce n’est pas leur nom – le
mouvement qui les a portés : le cubisme pour les uns, le purisme pour les
autres. En 1972, à 49 ans, Lichtenstein est déjà depuis dix ans identifié comme
l’un des ténors du mouvement pop, alors même qu’il inaugure une série de
tableaux dont les références à l’histoire de l’art en font l’un des premiers
artistes « postmodernes ».
Le Centre Pompidou lui consacre
aujourd’hui une rétrospective, à travers une sélection de cent-vingt-quatre
tableaux, sculptures et estampes qui éclairent son parcours de façon inédite.
L’exposition dévoile l’ampleur, parfois surprenante, d’un artiste qui fut, dès
l’origine, plus qu’un peintre pop : un expérimentateur de matériaux, un
inventeur d’icônes, un amateur érudit de la peinture moderne. Quatrième étape
de cette exposition-événement organisée par le Centre Pompidou, en
collaboration avec l’Art Institute de Chicago et la Tate à Londres, et
également présentée à Washington, la rétrospective parisienne montre
l’incroyable inventivité technique de Roy Lichtenstein à travers un corpus
inédit de sculptures, de gravures, d’émaux, de céramiques… Ces expérimentations
plastiques, aspect méconnu de son travail, témoignent d’une recherche qu’il
mena tout au long de sa carrière. Cette présentation bénéficie d’un soutien
exceptionnel de l’Estate de Roy Lichtenstein à New York.
Par Camille Morineau, conservateur
du musée national d'art moderne, commissaire de l'exposition, et Hanna Alkema,
chargée des recherches
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