"Tàpies naît à Barcelone en 1923, au sein d'une famille petite-bourgeoise, lettrée et farouchement attachée à l'identité catalane. Enfant, une faiblesse pulmonaire l'oblige à vivre reclus dans des sanatoriums ou la maison familiale. Il ne cesse alors de lire et de peindre, produisant frénétiquement des copies de
Van Gogh. Un autodidacte qui
deviendra l'héritier génial de cette première avant-garde catalane portée par
Miró, Dalí ou Picasso.
D'emblée, explique Jean-Luc Chalumeau dans la
monographie qu'il lui a consacrée, Tàpies rejette la peinture tirée du réalisme
socialiste aussi bien que "l'académisme abstrait". "Bien que
fortement politisé lui-même à cette époque (homme de gauche, il a été un
opposant farouche à la dictature franquiste, NDLR), il détestait
instinctivement l'esthétique stalinienne, (et) haïssait plus encore le
pseudo-apolitisme de l'académisme abstrait qui s'offrait alors comme alternative
à l'art dit progressiste". Son oeuvre à lui se construira "entre ces
deux écueils", également détestés".
Il introduit rapidement dans ses toiles des matériaux "pauvres" et des objets de récupération : des planches grossières, de la boue, des fils électriques, des chaussettes usées, des morceaux de drap. Il y impose, aussi, des fragments d'écriture, des tracés proches des caractères de la calligraphie chinoise ou japonaise, des croix. "Matiériste" donc, mais dans l'exploration incessante de l'épaisseur expressive du matériau, Tàpies a mieux que quiconque appréhendé, souligne Manuel Borja-Villel, la "nature matérielle du langage". Cette exploration a, sans doute, une dimension quasi mystique. "Je fais partie de ceux pour qui le transcendant est dans l'immanent, expliquait le peintre à une journaliste d'El Mundo il y a quelques années. Le cosmos, c'est nous, moi, cette table, ce tableau... Lorsque je parle du cosmos, je me réfère toujours à ce cosmos proche. Le reste est divagation. Du reste, nous ne savons rien."
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