« Sous certaines
latitudes, pendant un certain laps de temps à l’approche et au lendemain du solstice
d’été, quelques semaines en tout, les crépuscules rallongent et bleuissent …
On en remarque les prémices quand le mois d’avril touche à sa fin et que
commence le mois de mai, un changement de saison, pas vraiment un redoux – pas du
tout un redoux, en vérité – mais soudain l’été paraît proche, une possibilité,
voire une promesse. On passe devant une vitrine, on marche vers Central Park,
on se retrouve baigné d’une lumière bleue ; c’est la matière même de la
lumière qui paraît bleue, et cependant une heure environ ce bleu s’épaissit, s’intensifie
alors même qu’il s’assombrit puis s’estompe,
se rapprochant pour finir du bleu des vitraux à Chartres par beau temps, ou du
bleu des rayonnements Cerenkov émis par les barres de combustible dans les
bassins des réacteurs nucléaires. C’est le moment de la journée que les
français appelaient autrefois « l’heure bleue ». Pour les anglais, c’était « the gloaming »…
Quand vient la saison des nuits bleues, on a l’impression que les journées n’en
finissent jamais. Et à mesure que la saison des nuits bleues se rapproche de
son terme (inexorable, inéluctable), on est saisi d’un frisson, d’une
appréhension physique, maladive, lorsqu’on s’en avise pour la première fois :
la lumière bleue s’en va, déjà les jours raccourcissent, l’été n’est plus là.
Ce livre s’appelle « Le bleu de la nuit» parce qu’à l’époque où j’ai
commencé à l’écrire, j’avais l’esprit de plus en plus souvent tourné vers la
maladie, vers la fin des promesses, le déclin des jours, l’inévitable
assombrissement, l’agonie de la clarté. Le bleu de la nuit, c’est le contraire
de l’agonie de la clarté, mais c’est aussi son avertissement. »
Ce
weekend j’ai fait une belle rencontre
sous la forme d’un livre « Le bleu de la nuit » (Grasset) et de son
auteure Joan Didion. J’ai eu du mal à m’en détacher. C’est une sorte d’autoportrait.
Elle a au moment de l’écriture 75 ans et les sens à vif éprouvés par l’âge, la
maladie, mais surtout la perte des êtres chers, avec la disparition de son mari,
et peu de temps après celle de sa fille Quintana, à qui le livre est dédié. C’est aussi la confession de la peur de la
perte à venir, celle de soi même.
Joan Didion, née en 1934 est l’une des plus importantes figures de la littérature américaine de notre époque. Elle a connu un premier succès en France avec « l’Année de la pensée magique» paru chez Grasset 2007, où elle faisait le récit du deuil de son mari, John Gregory Dunne, foudroyé fin 2003 par une crise cardiaque. Il y était aussi question de leur fille adoptive, Quintana, qui, à la même époque, était tombée dans le coma après une pneumonie.
J’ai trouvé ce livre à la Librairie du Rivage à Royan.
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